FRANCE : ENTRE REFORMES ET MONTEE DE L’EXTREME DROITE, SITUATION CRITIQUE A UN AN DES ELECTIONS

par Morgane COZIC*

A un an des élections, la tension des résultats présidentiels se fait déjà sentir en France. Le pays est tiraillé entre le gouvernement Macron, peu populaire et fragilisé par la crise sanitaire, et la puissante montée de l’extrême droite, Marine Le Pen à sa tête.

Ainsi, le gouvernement actuel est en parti remis en cause pour les nombreuses réformes que le chef d’Etat a instigué depuis le début de son mandat. Beaucoup d’entre elles ont été fortement contestées par la population française, sans grand succès. Il suffit en effet d’une pandémie pour que le vote de certaines de ces nouvelles lois soient quasi passées sous silence. En effet, alors que les manifestations des gilets jaunes n’ont pas eu raison de Macron, les manifestations à l’encontre de la loi sur la sécurité globale n’ont pas non plus produit l’effet escompté, puisqu’elle fut récemment adoptée par le Parlement (cf. article « Qu’en-est-il de la loi sur la sécurité globale ? »). Cette loi, qui semble a priori ne pas respecter les droits fondamentaux (liberté de penser, de manifester, d’informer etc.), est également inquiétante en ce qu’elle fragilise d’autant plus les relations entre les citoyens et l’Etat.

Plus alarmante encore peut-être, la loi contre le « séparatisme » fait polémique. Comble de son nom, elle semble en certaines de ses dispositions amplifier le fossé déjà existant au sein de la population française. En effet, telle qu’aggravée par la droite sénatoriale, la proposition de loi instaurerait en son article 1er la possibilité pour les piscines publiques d’interdire l’entrée aux femmes portant le burkini, l’interdiction du port de tenues ou de signes religieux aux mineurs dans l’espace publique. Elle étendrait également l’obligation de neutralité du service publique de l’éducation aux accompagnateurs de sorties scolaire (en d’autres termes, elle interdirait aux mères voilées d’accompagner leurs enfants lors de sorties scolaires).

Cette proposition de loi vise sans nul doute la religion musulmane et est particulièrement inquiétante au sein d’un Etat reconnu pour son principe fondamentalement strict de laïcité et duquel résulte la neutralité de l’Etat, tel que l’a rappelé à plusieurs reprises le Conseil Constitutionnel, notamment en sa décision du 21 février 2013.

Le gouvernement français a engagé une procédure accélérée concernant cette proposition de loi, limitant la navette parlementaire à une unique lecture par chambre. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, elle n’a pas encore été officiellement promulguée mais cela ne saurait tarder.

Et, comme si ces changements juridiques n’étaient pas suffisamment inquiétants, de nouvelles actualités viennent régulièrement démontrer l’instabilité sociale et politique du pays. L’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs Actuelles a par exemple récemment relayé une pétition polémique écrite par vingt anciens généraux de l’armée française. Interpellant le Président de la République, ces derniers ont dénoncé le laxisme des gouvernants français et la montée de l’islamisme et de la haine anti-France. Emmanuel Macron et ses Ministres n’ont pas réagi, à l’instar de Marine Le Pen, qui surfe régulièrement sur les vagues d’indignations aux fonds identitaires et séparatistes.

L’extrême droite gagne donc du terrain. D’après le baromètre mensuel KantarOnePoint publié par Le Figaro, Marine Le Pen apparait comme la deuxième personnalité que les Français souhaiteraient voir jouer un rôle au cours des mois et des années à venir. Elle a vu son score augmenter de 8 % en l’espace d’un mois. Depuis plusieurs années déjà, de nombreux français se détachent de leurs partis politiques initiaux pour rejoindre les bancs de l’extrême droite, ce qui a permis à Marine Le Pen d’accéder au deuxième tour des précédentes élections présidentielles, faisant face à Emmanuel Macron.

Depuis plus récemment encore, les jeunes sont de plus en plus nombreux à s’apparenter à ce parti politique. Ainsi, d’après une enquête Ipsos-Ifop publiée le 05 avril 2021 par Le Monde, le poids du parti de Marine Le Pen auprès des 25-35 ans aurait augmenté de 23% à 29% ces quatre dernières années. En outre, de nombreux groupuscules d’ultra-droite massivement composés de jeunes font énormément parler d’eux. Ainsi, le 03 mars 2021, le groupe extrémiste « Génération identitaire » fut dissous en Conseil des ministres pour avoir mené des actions anti-migrants et musulmans et pour avoir tenu des « discours de haine, incitant à la discrimination ou à la violence envers des personnes en raison de leur origine ou religion ».

A un an des présidentielles, si les résultats des élections ne sont pas encore prévisibles, il est certain que la popularité de Marine Le Pen peut encore augmenter, au cours notamment de sa campagne pour les élections régionales qu’elle a lancé ce 1ier mai 2021.

Bibliographie:

* Spécialiste en droit des étranger, détentrice d’un master de droit européen de l’Université Paris XII, France.

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